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mardi 23 mai 2017

Les caprices

Article original publié le 05/05/2014

Avant d'être maman, le caprice c'était LE truc qui m'horripilait chez un enfant. LA chose que je ne comprenais pas qu'on laisse passer. Voir ces enfants se rouler par terre en braillant à la moindre frustration ça me mettait hors de moi.

Mais qu'est-ce qu'un caprice pour la majorité des parents ?

Un désir, voire une exigence soudaine de l'enfant, habituellement considéré comme futile, que l'enfant tente d'imposer au parent et qui, s'il n'est pas assouvi ou réprimé donnera lieu à des pleurs ou des colères factices qui viseront à émouvoir ou faire craquer le parent pour le faire changer d'avis (jécriscommeundictionnaire.com).

Le caprice c'est LE concept de l'enfant tyran qui veut imposer ses désirs à son parent.
Le caprice c'est LA facette de l'enfant qu'il faut s'empresser de réprimer sous peine de la voire envahir votre relation parent /enfant et saper votre autorité.
Le caprice c'est LE moyen qu'ont les enfants de chercher à pourrir la vie de leur parent.
Le parent DOIT dire NON aux caprices sous peine que ça vie devienne un enfer !
…N'est-ce pas ?...



Tout cela part du principe que le caprice est une invention de l'enfant. Quelque chose de volontaire, de calculé. Il fait ça pour vous embêter.

Je suis pour ma part, convaincue aujourd'hui que le caprice, c'est une invention des parents.
Un mot fourre-tout pour y ranger les comportements de l'enfant qui nous gênent ou que nous ne comprenons pas et face auxquels nous sommes parfois démunis.

La différence, c'est que d'attribuer la responsabilité de cette gêne à l'enfant fait naître du ressentiment, de l'aigreur, qui conduisent précisément à la violence éducative.
Non seulement nous perdons pied mais nous en voulons à nos enfants de nous faire perdre pied, avec parfois la conviction qu'ils le font exprès.

Alors avant d'aller plus loin, posons nous ces questions :

Pensez vous, réellement, que le but de votre enfant, surtout en bas âge, est de vous pourrir la vie ?
Voyez-vous votre enfant comme la personne qui en ce monde, est le plus préoccupé par l'idée de causer votre malheur ?
Pensez-vous, réellement, que votre enfant cherche à vous voir malheureux ?

Si tel était le cas, nos enfants ne sont-ils pas nos pires ennemis ?
Si tel était le cas, pourquoi diable fait-on encore des enfants ?
Pour générer une source de conflit perpétuelle que nous devrons mater, punir, engueuler, réprimer, à longueur de temps ?

C'est vraiment ça : éduquer ?

Non, non, et non, alors allons voir plus loin. 

De la futilité du caprice :

Ce qui nous fait souvent dire que telle ou telle réaction de l'enfant est un caprice, c'est qu'on lui attribue un motif futile. 
C'est oublier bien vite que l'enfant n'est, premièrement, pas doté des mêmes capacités cérébrales que nous pour relativiser. L'enfant est un petit être « primitif » dont le comportement est fortement guidé par des pulsions. Celui de l'adulte aussi d'ailleurs, mais nous avons appris à contenir nos pulsions car nous connaissons leurs effets et conséquences.
Il vous est déjà arrivé, non ?, de craquer sur un objet de seconde nécessité, qui vous attire tellement que vous sentez sa brûlure sur votre volonté (parfois même, vous craquez. Certains adultes sont bien plus "capricieux à ce titre que bien des enfants). Si l'on s'écoutait vraiment on achèterait des magasins entiers d'affaires pas franchement indispensables. Mais vous connaissez les conséquences de cet achat hors de votre portée et vous savez être raisonnable car votre cerveau sait être plus persuasif que vos pulsions. Le cerveau de l'enfant, lui, ne sait pas faire ça, pas avant longtemps.

Qui plus est notre perception de l'univers est immensément plus large que celle de l'enfant.


Or, considérons un problème lambda : l'enfant désirais la voiture jaune qui est déjà en possession d'un autre enfant. Vous lui donnez la voiture rouge, ça ne lui convient pas, il pleure.
Voici notre problème :


Voici ce problème ramené à la perception du monde d'un adulte.
C'est une broutille



Le même problème ramené à la perception du monde d'un enfant
C'est un drame.


Qui plus est nous considérons souvent la gêne de l'enfant comme secondaire par rapport à la gêne que son caprice nous procure. Ce qui fait que l'on nie le bien fondé de sa frustration (« Tu ne vas quand même pas pleurer pour ça ! Une voiture c'est une voiture »). Mais admettons que vous commandiez une (vraie) voiture rouge. Au moment de la réception, votre voiture est jaune. Que faites-vous ? Vous vous dites « une voiture, c'est une voiture ? » Ou vous portez réclamation parce que ce n'est pas ce que vous désiriez ? Pourtant le monde ne va pas s'effondrer et vous roulerez quand même. Pour autant, vous allez râler et vous estimerez être dans votre bon droit.

Et que dire des moments où la peine de l'enfant est totalement niée (les fameuses « larmes de crocodiles ») : il fait « exprès », il fait « semblant ».





Vous pensez vraiment qu'il fait semblant ?




De la signification du caprice

On occulte aussi souvent le fait que l'objet de son désir peut ne pas avoir la même signification pour lui que pour nous. Prenons l'exemple un bébé qui « s'amuse » à vider une boite de mouchoirs pour les déchirer. Vous savez que ce sont des mouchoirs, qu'ils servent à se moucher et que d'en faire de la charpie revient à gâcher quelque chose, que vous avez payé qui plus est. Le bébé ignore la nature du mouchoir, la fonction du mouchoir, le prix du mouchoir, l'altérité du mouchoir, pour lui c'est une expérience sensorielle et la découverte de sa capacité à agir sur son environnement absolument formidable qui participe de son développement.

On prête aussi souvent à l'enfant une intention de nuire à travers le caprice. Y compris aux nourrissons.
Je suis toujours atterrée quand j'entends quelqu'un qualifier les pleurs d'un enfant de quelques mois de caprice !! Un petit être qui ignore jusqu'à sa propre existence serait en train de pleurer dans le but égoïste de s'accaparer toute l'attention de sa mère. Un bébé pleure pour rappeler sa mère à lui, oui, mais parce que c'est un petit mammifère sans aucun moyen de subsistance propre, qui dépend de sa mère en toute chose et que ses gênes l'ont programmé pour alerter sa mère dès qu'il se sent en position d'abandon. Pas parce qu'il a eu l'idée machiavélique de vouloir détourner sa mère de ses occupations !
Décréter qu'un enfant fait exprès de vous nuire par son caprice c'est lui prêter la capacité d'avoir conscience que certains facteurs sociaux vous empêche de satisfaire son désir et de projeter une intention dans le but que celle-ci ait un impact négatif sur votre vie pour que vous soyez forcée de lui donner satisfaction (oui, vous allez devoir relire cette phrase...). Un enfant ne sera en mesure intellectuelle de faire ça qu'après plusieurs années ! De plus, parfois il ne sait même pas que ça vous embête !

Par exemple, pour qu'un enfant comprenne que vous ne pouvez pas acheter tout ce qu'il veut, il faut qu'il comprenne les limites du système monétaire et économique dans lequel nous vivons. Combien de fois n'a-t-on pas entendu nos enfants répondre « ben si t'as plus de sous, va à la machine elle t'en donnera ! ». Car il est bien incapable de comprendre que la machine donne un argent virtuellement stocké dans un organisme spécialisé et qu'il n'est que utilisable dans la limite de ce que vous avez récolté par le fruit de votre travail. Pour vous, c'est évident, c'est devenu naturel. Mais ça ne l'est pas pour un petit enfant pour qui la compréhension du monde est majoritairement guidée par ce qu'il constate (magasin → blindé de jouets → donner argent → la machine donne de l'argent → où est le problème ?).

On passe aussi parfois tout simplement à côté du VRAI problème. L'enfant, surtout jeune, n'a pas forcement les moyens d'exprimer ni même de comprendre son problème. Prenons un exemple banal : si l'enfant chouine à répétition à l'heure habituelle de sa sieste, on aura tendance à se dire « Houlà, il est temps d'aller au dodo !» et l'on se montre beaucoup plus compréhensif. On a moins envie de réprimer les chouineries qui sont dues, on le sait, avant tout à sa fatigue. A quoi sert-il de s'acharner sur un enfant dont on sait que sa nervosité est provoquée par une grosse fatigue ? A rien (encore que, combien de fois peut-on entendre, même de notre propre bouche « main'nant t'arrêtes et c'est tout ! Te me saoule là ! Tu vas aller au lit de toute façon » ? tout ça pour ça...).
Il existe un tas d'autres raisons similaires mais qui nous échappent. L'enfant peut réclamer un objet car le plaisir qu'il en retire apaisera le malaise qu'il ressent pour une toute autre raison (c'est le cas du « doudou »). Ce n'est pas forcément par envie d'accumuler ou de posséder des choses. Surtout quand on sait qu'un enfant en bas âge se désintéresse assez vite d'un objet.

Pour ma part, un des gros soucis du moment est le fait que Minimog, 19 mois au moment où j'écris, n'a de cesse de se mettre debout sur sa chaise pendant les repas et qu'elle essaye de saisir elle-même toute la nourriture qu'elle voit sur la table, en en mettant partout au passage. C'est TRES énervant, et en plus ça fout la trouille, surtout au moment où nous mangeons qui est censé être un moment de détente (oui je sais, ça c'était AVANT les enfants).
Mais, il se trouve que Minimog n'a de cesse en ce moment de grimper partout : sur ses meubles, le mobilier urbain, les échelles, les toboggans, le canapé : car comme tout enfant qui se respecte elle va répéter encore, et encore, et encore sa nouvelle acquisition super géniale de pouvoir grimper partout. Un canapé ou sa chaise haute ou sa bibliothèque, pour elle, quelle différence ?
De ce point de vue, le regard fier et satisfait qu'elle me jette alors veut-il dire « Hinhin, t'as vu, je suis debout sur la chaise et ça t'embête ! » ou « T'as vu maman, je sais me mettre debout sur ma chaise ! ». Qui plus est, sait-elle qu'en France au 21ème siècle, on mange assis  sur une chaise ? Non, il va falloir qu'elle l’apprenne, comme tout ce qui est culturel.
Et avec ses capacités grandissantes, quel plaisir de devenir maître de son repas et se servir soi-même ! Faut-il attendre d'elle, à son âge, qu'elle renonce à cette liberté sous prétexte qu'elle en met partout au passage ? D'autant que c'est en faisant qu'elle apprendra, elle est donc poussée à le faire. C'est ce qui fait que malgré nos réprimandes, elle recommence.
Il y a fort à parier que si nous la faisions manger sur une table à sa hauteur, avec toute sa nourriture à portée de main (las...j'y travaille) elle ne reviendrait pas exprès grimper sur sa chaise pour le plaisir de nous narguer, car son besoin serait satisfait. Encore que si, elle le ferait peut-être, hors des repas, pour parfaire son entraînement, comme elle le fait avec un tas d'autres choses.
 

Le caprice des grands enfants 

Ce que l'on peut mettre sur le compte de la balance raison/pulsion chez un jeune enfant, on ne peut le faire pour un enfant plus grand ou un adolescent. Chez eux certains caprices sont bel et bien issus d'une volonté consciente.
Mais d'où viennent-ils si ce n'est de ce qui s'est passé avant ?

Si on lui refuse tout en le punissant, l'enfant plus grand pourra véritablement chercher à vous nuire par le caprice. Car la frustration et le ressentiment qui sont nés des interdits incompris lui donneront envie de prendre de force ce que l'on lui refuse ,voire plus, voire de chercher à se venger.

Si on lui permet tout, il finira en effet très certainement par comprendre le système du « Ce que je demande je l'obtiens », et il risque en effet d'en abuser sans limite.
Si les distributeurs de billets nous donnaient effectivement tout l'argent que nous désirions, nous nous en servirions de même, non ?


Alors que faire ?

Certainement pas céder si vous ne le désirez pas. Ce n'est même pas rendre service à l'enfant si le problème est ailleurs.

D'abord, chercher à comprendre : pourquoi ? Qu'est-ce qu'il se passe ? En demandant si possible à l'enfant mais aussi en étudiant d'autres facteurs : évolution, contexte, environnement, fatigue, etc.
Accepter, laisser le droit à l'enfant de ressentir des choses que nous mêmes nous ressentons tout en acceptant qu'il ne dispose pas des mêmes moyens que nous pour y faire face.
Expliquer, exprimer vos gênes, encore et encore, plus l'enfant est jeune et plus ça mettra du temps à rentrer.
Écouter ce qu'il a à vous dire, verbalement ou non.
Adapter quand c'est possible. Trouver des solutions qui conviennent à tous.
Apaiser lorsque la colère et la frustration ont pris le dessus.

C'est mieux pour lui, et c'est mieux pour vous.
Ça ne résoudra pas tous les problèmes d'un coup de baguette magique. Ça ne veut pas dire que vous ne serez jamais énervés, ni démunis parfois. Mais vous réglerez les choses avec plus de douceur, de compréhension, sans cette désagréable sensation de dégoût de vous même parce qu'au fond vous savez que vous n'auriez pas dû hurler/céder.

Un enfant qui fait un "caprice" a besoin d'être entendu.
Un enfant qui fait un "caprice" a besoin d'être compris.
Un enfant frustré a besoin d'être réconforté.
Il n'est pas question de céder aux caprices et de laisser l'enfant faire n'importe quoi. Mais bien de reconnaître à l'enfant le droit d'avoir les mêmes envies que nous et lui apprendre dans la douceur que ses désirs ont des limites.




Pour lire un ouvrage qui vous éclaire sur le sujet je vous renvoie à l'excellent "J'ai tout essayé", d'Isabelle Filiozat.




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