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lundi 12 décembre 2016

Pédagogie de projet et graine de partage

"Moi, je file un rancard
A ceux qui n'ont plus rien
Sans idéologie, discours ou baratin
On vous promettra pas
Les toujours du grand soir
Mais juste pour l'hiver
A manger et à boire
[...]
C'est pas vraiment de ma faute
Si y'en a qui ont faim
Mais ça le deviendrait
Si on n'y change rien

[...] 
Aujourd'hui, on n'a plus le droit
Ni d'avoir faim, ni d'avoir froid

[...]
  J'ai pas de solution pour te changer la vie
Mais si je peux t'aider quelques heures, allons-y
Y a bien d'autres misères, trop pour un inventaire
Mais ça se passe ici, ici et aujourd'hui

[...]
  Aujourd'hui, on n'a plus le droit
Ni d'avoir faim, ni d'avoir froid "

Chansons des Restos du coeur, les Enfoirés

Voilà deux ans que j'ai amorcé trèèèèès doucement une volonté de faire du temps de l'avent un temps où l'on reçoit, certes, mais où l'on donne aussi.

Elevée dans une famille catholique pratiquante, j'ai une culture de l'Avent comme un temps de réflexion, d'introspection et de générosité envers les plus démunis. Nous nous retrouvions avec des amis de mes parents tous les dimanches de l'avent pour des temps d'échange qui ont planté une graine en moi, même si ma spiritualité a évolué depuis. 

L'hiver est par naissance pour moi une saison de repli, de pause, et de réflexion (idée qu'on retrouve dans la saison sombre des païens ou dans ce fameux bilan de fin d'année et ces bonnes résolutions qu'on ne tient jamais). Mais se replier sur soi et regarder en soi, faire le point sur sa vie, ça incite, ça invite aussi à voir l'Autre. Voir sa vie en pensant à celui qui a moins que nous change le regard. Et je voulais transmettre cette idée dans les rituels familiaux.

J'avais plein d'idées au départ, mais ce n'est pas si simple avec de jeunes enfants. Je me souviens du jour où nous avons offert des croissants et un café à un monsieur qui faisait la manche près d'un supermarché. Ma fille a posé des questions bien sûr, et j'ai du lui expliqué que certaines personnes n'avaient pas de travail, donc pas d'argent et donc pas de maison et parfois pas de quoi s'acheter à manger. "Mais alors, il faut leur en donner une de maison !". 
Ben oui, c'est ça qu'il faudrait faire. Il faudrait que tout le monde ait un toit, un refuge, un foyer. Mais ça ne se passe pas comme ça dans notre monde et pour expliquer ce non-sens à un gamin... Et ben j'étais bien embêtée (Que ce monde parait insensé quand on le voit avec les yeux d'un enfant!).

Finalement, cette année, nous avons commencé par le commencent : faire un peu, c'est déjà faire.
Nous avons donc fabriqué des petits sachets de Noël pour les distribuer au SDF.   

Alors pourquoi je parle de pédagogie de projet ? 
Déjà parce que c'est accrocheur alors comme ça plein de gens reggio-fan voudront lire mon article. Et puis parce que, avec le recul, je me suis rendue compte que c'était notre premier vrai "projet" au sens pédagogique. 
L'idée : faire des sachets de Noël pour les sans-abris. Pour cela nous avons : 
- cuisiné - avec tout ce que ça inclus en terme d'apprentissage cognitifs et manuels
- compté et comparé - pour faire des sachets équitables
- tracé des formes - des cœurs avec les emporte pièces pour faire les étiquettes
- découper - lesdits cœurs
- fait marcher notre créativité - pour décorer les cœurs et puis aussi parce Minimog a voulu faire des étiquettes papillons
-  poinçonné - pour trouer les étiquettes et passer le fil
- travaillé l'écriture et la graphie : avec un modèle ou en repassant sur les tracés de maman



Et voilà


Tindiiiiiiin ! 

Le tout accompagné d'un chocolat chaud. Un VRAI chocolat chaud, avec du vrai chocolat dedans, et un mélange lait épautre/noisette et lait entier pour tenir au corps et du miel et un poil d'épice pour vaincre les microbes de l'hiver.

Onctueux et délicieux. Miam !


Et puis nous sommes allés les distribuer.... Un samedi après-midi..... En plein marché de Noël..... Avec tous les magasins ouverts.
Et bien je fus fière de ma fille ! Je l'avais briefé dans la voiture, nous étions là pour donner, pas pour acheter. Et elle a tenu bon.
A part un tour de manège elle n'a rien réclamé.
C'était particulier de nous promener avec notre carton de gâteau et de croiser les gens qui se baladait, les bras chargés de sacs griffés aux marques diverses. De passer derrière les cabanons du marché de noël sans même jeter un œil aux comptoirs chargés de belles choses. En fait, je me suis sentie étrangère à tout cela. Comme si tout cela c'était du vent. J'étais en route pour quelque chose de plus essentiel. Nous on cherchait du regard les personnes assises au bord des trottoirs dans un coin. 
On a tout de même regardé les décorations, les lumières. Ce fut une belle balade de Noël.  
Nos petits paquets sont partis vite. Tant mieux pour nous (traîner deux petiots en ville avant les fêtes ça ne peut pas durer l'après midi), dommage pour le monde.

Et puis nous sommes allés donner le sourire à une autre personne : ma mamie qui vit en résidence pour personnes âgées depuis quelques mois. Parce que ça aussi c'est important

Ma maman m'a demandé ce que ça avait fait à ma fille. Je ne sais pas. Je ne lui ai pas demandé. Je ne veux pas. Lui demander ça serait attendre une réponse, un discours, une morale. Ce genre de question n'est jamais gratuit.
JE l'ai fait, parce que c'était important pour moi et que c'est conforme à mes valeurs. Et j'ai invité mes enfants dans cette démarche. Le reste leur appartient.


Pour l'anecdote, au retour à la voiture, il ne nous restait que du chocolat. En chemin nous avons croisé un monsieur à genoux, mais debout, il avait une pancarte à ses pieds qui disait "J'AI FAIM", ses yeux regardaient sans vraiment voir la foule qui passait devant lui. On ne pouvait pas ne pas s'arrêter. Je me suis approchée en lui disant "Bonjour, on a plus de gâteau, mais il me reste du chocolat chaud, vous en voulez ?", il m'a dit oui, avec la bouche, et avec les yeux. quand je lui tends son chocolat je vois une main qui tend un énorme sandwich au jambon et j'entends mon prénom. Je lève les yeux... C'était la fille d'une amie (qui se reconnaîtra si elle me lit, comme tu peux être fière de ta fille ma chérie <3 -mais tu le sais déjà) qui se promenait avec son petit ami. Aucun sac dans leurs bras mais ce sandwich qui arrivait à point nommé. 
A part moi, je me suis dit : "j'espère que c'est ma fille dans 14 ans".
Mais tout comme on ne tire pas sur la tige d'une plante pour qu'elle pousse, je ne veux pas les pousser vers un idéal qui est le mien. Je suis le terreau, ils sont la graine. 
Et je ne me fais pas de souci : ces choses sont vraies, elles ont un sens, forcément, elles les toucheront.

Le Saint-Nicolas est passé chez ma Grand-mère. Et son pote le Père Fouettard qui a foutu la trouille à Minimog. Quand St-Nicolas a demandé si ma fille avait été ""sage"", je lui ai soufflé : "Tu n'as qu'à raconter à St-Nicolas ce qu'on a fait avant de venir" ;-). Et bien sûr le Père Fouettard a remballé son bâton et St-Nicolas a tendu des chocolats. Bon je sais, c'est nul cette mascarade de Saint-Nicolas ou du Père Noël qui ne donne soit disant qu'aux enfants obéissants (j'ai eu une mini discussion avec ma fille sur le concept de "sagesse" qui pour moi diffère de l'obéissance), alors qu'on sait pertinemment que tout le monde aura quelque chose, même les "petits terribles" (étiquette, étiquette..). C'est trop pas bienveillant. Non sérieux, c'est naze.
Mais bon c'est là, et cette année c'est clair, Minimog veut croire à tout ce folklore. Alors on jongle avec comme on peut, et j'ai glissé à ma fille : "Tu vois ma chérie, une bonne action est toujours récompensée" et ça au moins, c'est vrai. Je souhaite juste qu'un jour elle se rendra compte que la récompense, on se la donne soi-même, en son cœur, qu'elle se trouve dans la main qu'on tend.


Quand mon mari m'a demandé ce que je voulais pour Noël j'ai répondu : une belle fête de famille. Après une expérience comme celle-ci je mesure à quel point le repas partagé, au coin du feu, les belles décorations, l'odeur d'agrumes et d'épices, les sourires de mes enfants, les chants, sont des trésors. Je n'ai envie de rien d'autre. Sincèrement.

Je me dis que mon chocolat chaud a du leur donner soif à ces gens. Je me dis que la prochaine fois j'achèterai des bouteilles d'eau. Parce que oui, il y aura une prochaine fois. Des prochaines fois. Avec Charlie et Petit Chou peut-être.
Je me demande comment transporter des rations de boeuf bourguignon ou de coq au vin. Je me dis que des muffins au printemps et du taboulé en été ce serait une bonne idée... Et ces pensées me rendent heureuse. Sincèrement heureuse. 
Merci Noël. Encore un beau cadeau de la vie.     




  

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