Ah cette
sacro-sainte fessée ! Tant redoutée des enfant,
adulée par (certains) parents.
J'exagère ?
Elle est pourtant encore de nos jours présentée comme
un phénomène inévitable dans l'éducation,
voire indispensable. Il suffit de voir les réactions qu'a
suscité le projet de loi qui fut présenté à
l'assemblée pour interdire la fessée en France (notez
que par « fessée » j'entends les
châtiments corporels dans leur ensemble), autant chez les
politiques que chez certains parents. C'est que la fessée en
France madame, on y tient ! Ça fait partie de notre
culture éducative, et nous sommes nombreux à en avoir
goûter l’inénarrable saveur qui nous poursuit encore
aujourd’hui. Elle a teinté nos souvenirs d'enfance de cette
délicieuse odeur de peur, d'humiliation et de regret. C'est
vrai quoi ! Qu'auraient été nos enfances sans elle
si ce n'est un ramassis insipide de bienveillance et de tendresse !
Hein ?
Moi j'y ai goûté,
souvent. Je la connais bien c'est une vieille amie à moi, on a
fait un bout de chemin ensemble. J'étais même prête
à continuer avec elle mon chemin de maman, jusqu'au jour où
mon ventre s'est arrondi, me donnant la force de voir la vérité
en face.
Et
bien aujourd'hui la fessée, je suis CONTRE !
C'est déjà
une question de justice sociale. Quelle est cette justice au rabais
qui décrète que les seules personnes que nous avons le
droit de frapper impunément, ce sont nos propres enfants !?
Si un type dans
la rue vous manque de respect, vous n'allez pas aller lui en coller
une derrière la tête pour lui apprendre les bonnes
manières. Ou si vous le faites, le type qui vous a insulté
a parfaitement le droit de porter plainte contre vous et vous aurez
tort. Car vous n'avez pas le droit aux yeux de la loi de frapper une
andouille qui vous insulte (et heureusement, sinon nos rues
ressembleraient au village d'Asterix où tout le monde se tape
dessus à coup de poisson pas frais). Mais si c'est votre
enfant, là vous pouvez ! Parce que c'est pour son bien,
parce que c'est pour son éducation. Oui madame !
Alors d'abord,
soyons clairs, la fessée ne fait de bien à PERSONNE.
Considérons la chose ainsi : les enfants n'aiment pas
être frappés. Vous avez été enfant :
avez-vous aimer recevoir des baffes ? Non. D'ailleurs si les
enfants aimaient ça, les fessées seraient considérées
comme inefficaces.
Mais le parent
non plus, n'aime pas en donner ! D'ailleurs le parent n'a
pas le droit d'aimer en donner ! Un parent
qui aime frapper ses enfants c'est un pervers, un sadique, un
tortionnaire.
Donc l'enfant
n'aime pas en recevoir et ne doit pas aimer en recevoir, le parent
n'aime pas en donner et ne doit pas aimer en donner : mais la
fessée c'est bien ! C'est bien pour qui alors ?
Non, le parent se
doit de l'appliquer avec la neutralité aveugle de la justice
dans le but d'éduquer son enfant. Mais en quoi, la
fessée éduque un enfant ?
D'abord, on sait
que l'éducation de l'enfant procède avant tout de
l'imitation. Alors il faut qu'on m'explique comment on éduque
un enfant en faisant quelque chose que l'on accepterait pas qu'il
fasse. Comment peut-on expliquer que taper c'est mal quand on tape ?
C'est comme si un parent fumeur faisait la morale à son ado
qui fume en lui disant que c'est pas bien. Quelle espèce de
crédibilité espère-t-on retirer du fameux « fait
ce que je dis, pas ce que je fais » ?
La
fessée apprend-elle réellement à l'enfant à
ne pas recommencer une bêtise ? Ce qui est sûr,
c'est qu'elle lui apprend qu'il ne faudra pas se faire pincer la
prochaine fois, ça oui. Ce qui peut ajouter, en plus de la
bêtise à proprement parler, la tentation du mensonge.
Le
jour où j'ai enfin décidé (à 29 ans)
d'affronter cette partie de mon enfance pour me positionner sur ma
propre façon d'éduquer mon enfant, j'en ai parlé
avec ma mère. Elle a reconnu 2 choses : « Avec
le recul je me rend compte que je te frappais car j'étais très
énervée. Ce n'était pas tant ta bêtise que
ma colère qui amenait ce geste. Mais ce qui m'énervait
c'était que tu mentais ! Je ne supportais pas ça.....
Jusqu'au jour où j'ai réalisé que tu mentais par
peur d'être punie... ».... .... Tout ça pour
ça ! Non seulement j'ai été frappée
pour de mauvaises raisons, mais en plus au lieu de m'empêcher
de faire des bêtises, ça m'incitait à en faire !
En même temps, en me replaçant 24 ans auparavant, je me
rappelle bien avoir entendu encore et encore « Toute faute
avouée est à moitié pardonnée ».
Mais quelle arnaque ! A moitié ! Mais on s'en fout !
J'étais terrorisée par les punitions, je m'en
foutais d'être « à moitié »
pardonnée ! Ça valait le coup de mentir pour
éviter d'être punie tout court, c'est ce que je pense
encore aujourd'hui.
Ce dont je suis
certaine, c'est que la fessée a ses limites.
Un jour, l'enfant
peut se soustraire aux coups, où les rendre. Parce que ne nous
leurrons pas, la fessée ça ne marche que quand nous
pouvons imposer une dominance physique sur un être qui ne peut
pas se défendre (ça s’appelle un abus de faiblesse,
CQFD). Passé un certain âge, soit cette violence
s’accroît au delà de ce que même notre
« justice » tolère, ou devient
réciproque, soit le parent se retrouve démuni, obligé
d'essayer de nouer un dialogue tardif avec un enfant écorché
qui n'a plus sa confiance et qui restera sans doute longtemps fermé
à ses tentatives de conciliation (testé avec mon frangin, ça vous pourrit une famille.).
Car la fessée
créé du ressentiment. Pouvons nous affirmer que toutes
les fessées données sont justes ? Et quand il y a
erreur, le parent fait-il toujours l'effort d'avouer qu'il a eu
tort ? Non, évidemment, ce serait reconnaître une
fêlure dans l'autorité parentale dans laquelle le petit
monstre pourrait s'engouffrer à jamais (et bonjour la pression
quand on doit faire en permanence semblant d'être infaillible).
Or toutes ces injustices qui s'accumulent éloignent l'enfant
et diminuent la confiance qu'il porte en ses parents, voire lui donne
envie de contre-attaquer.
Car la fessée
créé aussi de la peur, qui si elle donne l'illusion que
la fessée est efficace, conduit à long terme au même
résultat. Et on se retrouve un jour avec sa gamine à
l’hôpital car elle est rentrée en voiture d'une soirée
bien arrosée et qu'elle n'a pas osé appeler de peur de
s'en prendre une. On ne comprend pas comment notre enfant si sage en
apparence a fini par tomber dans les pires vices sans qu'on le sache.
Pourquoi il/elle n'a rien dit ? Comment en est on arrivé
là ?
Et que de moments
gâchés ! Le retour du père à la
maison : c'est un moment de joie normalement. Sauf quand ce
retour c'est la fessée promise depuis une heure. On aimerait
que son père ne rentre jamais. C'est affreux.
Honnêtement,
si tous les gamins qui ont reçu des fessées étaient
devenus des anges ça se saurait non ? Depuis le temps
qu'on l'applique, cette fessée, a-t-elle donné de vrais
résultats ?
Et quand bien
même elle serait efficace avec certains enfants, il est
question aussi de construire la civilisation dans laquelle nous
vivons. Comme l'explique très bien Carlos Gonzalez dans son
livre « Serre moi fort » : même si
on sait que la police pourrait par exemple obtenir de meilleurs et
de plus fiables renseignements d'un accusé en le torturant, on
accepte pas qu'on le fasse. Surtout qu'on est pas sûrs que le
type soit vraiment coupable, même s'il existe des soupçons.
Il s'agit de morale, de respect commun. La société doit
être porteuse des valeurs qu'elle attend de ses citoyens.
L'éducation
par la fessée appliquée à l'échelle
d'une société : réprimer des comportements
jugés comme intolérables -de façon pas toujours
totalement lucide- par une sanction douloureuse et effrayante, pour
conditionner le coupable à ne plus recommencer, sans que
celui-ci puisse se défendre...
...Ça
s'appelle une dictature.
C'est
d'ailleurs toute l’intérêt d'une loi pour l'interdire,
même si en l'état du projet actuel elle ne prévoit
pas de sanction (ce qui dans une premier temps est une bonne chose).
C'est dire officiellement que la société française
n'accepte pas les châtiments corporels comme une méthode
acceptable d'éducation.
Alors pour
légitimer cette fessée on s'enfonce dans le déni
et l'on tente de la minimiser :
« Une
bonne fessée ça ne fait pas de mal ! »
Aaaah si ! Sisisisi, ça fait même très mal !
Pas seulement au corps mais aussi au cœur. D'ailleurs c'est la
douleur qui est censée être garante de l'efficacité
de la fessée. Le problème c'est que la douleur physique
passe, l'autre douleur a une fâcheuse tendance à rester.
« Taper
pas fort ça n'est pas taper ». Ah ben si !
Dans « taper pas fort », il y a « taper »,
précisément.
"J'ai reçu des fessées étant enfant, je n'en suis pas mort". Remercions le ciel que vos parents ne vous aient pas tué, c'eût été la moindre des choses. Et pour le reste ?
"J'ai reçu des fessées étant enfant, je n'en suis pas mort". Remercions le ciel que vos parents ne vous aient pas tué, c'eût été la moindre des choses. Et pour le reste ?
Parlons de la
fessée avec honnêteté si nous en parlons :
la fessée c'est frapper. Il s'agit là de violence, de
domination par la force et par la peur, ça n'est PAS une bonne
chose.
Et de ce fait à
mon sens ça n'est PAS acceptable.
Je ne prétends
pas blâmer ou juger les parents qui emploient la fessée.
Je prétend juger la fessée elle-même.
Je prétend essayer de faire
comprendre à ces parents que parfois on s'accroche à
des façons de faire qui font souffrir l'enfant, et, j'en suis
convaincue, le parent, juste par habitude. Parce qu'on a toujours
connu que ça et qu'on a peur de remettre nos fondements en
questions. C'est déjà tellement dur d'être
parent....
Parce qu'on nous rabâche que
c'est ça, bien éduquer nos enfants. Parce qu'on nous
rabâche que l'opposé de ça c'est l'enfant-roi, le
parent-esclave.
Mais je vous encourage à oser, à faire le pas de chercher ailleurs
d'autres méthodes et de s'en nourrir.
Pour en arriver à
cette conclusion j'ai du faire un bilan de mon parcours personnel, de
mon vécu et de l'éducation que j'ai reçu de mes
parents. Il a été dur, dur car risqué. S'avouer ce que l'on a à "reprocher" à ses parents c'est
prendre le risque de les aimer moins. Mais non, je les aime plus
aujourd'hui qu'hier. J'ai cherché à comprendre les
raisons de cette éducation. Aujourd'hui je sais qu'ils ont été
de bons parents, parce qu'ils ont fait tout ça en nous aimant,
en pensant faire au mieux. Au final, je ne leur reproche rien. Mais n'empêche que s'ils s'en
étaient tenu à ça, où serais-je
aujourd'hui ? Mes parents je les accepte, cette méthode
qui fut la leur je n'en veux pas. Elle m'a fait souffrir, elle a été
inefficace. Elle restera à jamais une tâche noire dans
notre histoire.
J'ai vécu
la différence entre l'enfance à coup de baffes et
l'adolescence où nous pouvions parler, où nous nous
faisions confiance. Où j'étais libre d'aimer mes
parents sans barrière, sans rancœur. Au moment même où
j'aurais été justement le plus en mesure de faire de très
grosses bêtises, volontairement (j'en ai fait d'ailleurs, mais
jamais en voulant leur faire du mal). Je pense être devenue
quelqu'un de bien, de respectable tout du moins et certainement pas
grâce aux coups de j'ai reçu ; mais grâce à
l'amour, la compréhension, au dialogue, aux valeurs, aux
savoirs que m'ont transmis mes parents. Et de cela, je leur suis
reconnaissante aujourd'hui.
Avez vous déjà
entendu quelqu'un dire « merci maman pour les baffes, pour
les claques, pour les fessées, pour m'avoir enfermé dans ma
chambre, pour m'avoir privé(e) de repas » ?
Mais vous avez
sûrement déjà entendu « merci maman
pour ta patience, ton courage, ta compréhension, ton écoute,
ton soutien, ton amour ».
Qu'auriez vous
envie de dire à vos parents aujourd’hui ?
Qu'avez vous
envie de retenir de votre éducation ?
Qu'avez
vous envie que vos enfants retiennent de vous demain ?
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