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vendredi 21 octobre 2016

Culture contre(-) nature : apprendre ou laisser faire ? Pourquoi ne pas leur lâcher la grappe ?

"Tout vient à point à qui sait attendre"
Clément Marot.

Cela fait looooongtemps que j'avais cet article en tête, mais il m'a fallu du temps pour l'écrire, voire pour le publier.
D'une part parce que j'imagine que c'est encore le type d'article qui jette un pavé dans la mare, or il faut se sentir près pour jeter des pavés. Assez sûr(e) de ce que l'on dit, assez sûr(e) de ses convictions et assez serein(e) pour encaisser les éventuelles éclaboussures.
D'autre part car j'aborde des sujets « à problème », y compris pour moi, et qu'il a fallu que chez moi, les problèmes en question se tassent et que j'aille au bout de ma démarche. Quand c'était trop frais ou carrément d'actualité, en parler ici n'était juste pas possible.
Enfin parce que pour une fois, je me suis nourrie d'assez peu de lectures sur le sujet (comprenez – pas du tout) pour appuyer mes propos avec une caution « scientifique ». Du coup je porte sur mes frêles épaules le poids de mes convictions.
Convictions que certain(e)s ne partageront pas, je le conçois, il s'agit bien sûr d'apporter des éléments qui viendront nourrir la réflexion de chacun à des degrés différents et certainement pas d'essayer d'imposer une marche à suivre.
Bref, je me lance.

Après cette incartade introductive, je me dois d'abord d'expliquer mon sujet. Il est une phrase très connue de Maria Montessori, que j'aime beaucoup : « L'enfant n'est pas un vase que l'on remplit mais une source que l'on laisse jaillir ». En parlant de l'enfant, elle évoque d'une très belle façon la position du parent (ou de l'enseignant) qui, dans les pédagogies alternatives, se considère comme un accompagnant et non comme un modeleur.

Finalement ce qui est vrai en matière d'instruction de l'enfant, me semble également vrai en matière d'éveil pour le bébé et le bambin. Et au final, j'ai - parfois même sans le savoir - appliqué cette maxime dans 4 domaines importants, pour lesquels, aujourd’hui, je ne vois pas en quoi je suis censée apprendre quelque chose à mon enfant : marcher, manger, faire pipi sans couche et dormir.

Ces 4 domaines sont de grandes sources de problèmes au sein de nombreuses familles, et ma réflexion fut un jour que : mais enfin, ça ne devrait pas ! Ça ne devrait pas parce ce sont des choses que nécessairement, votre enfant finira par faire. Ce sont des choses que tous les enfants de l’histoire de l'humanité, quelques soient la période, la culture ou les moyens font. Un jour ils marchent, ils dorment, ils mangent et ils ne se font pas caca dessus indéfiniment.


Culture contre nature, culture contre-nature 

Alors pourquoi ? C'est ici qu'intervient mon opposition culture/nature. Cette idée m'est venue d'une maman lors d'une discussion via un autre réseau qui soutenait que l'on devait apprendre aux enfants à manger sous prétexte que sinon ils mangent n'importe quoi. Ce qui est pour moi deux choses différentes.

De manière générale, et pour les 4 domaines précités, je pense que ce que nous souhaitons inculquer à nos enfant tient du culturel. Apprendre à nos enfants à manger est différent de leur apprendre à manger équilibré, apprendre à dormir à certaines heures est différent d'apprendre à dormir tout court. Naturellement, un enfant mangera, mais lui apprendre à « bien manger » est éminemment culturel. D'autant que la notion de « bien manger » est dépendante de la culture de chacun : du contenu de l'assiette à la façon de manger ou de se tenir à table. Manger par terre serait inconvenant chez nous, c'est pourtant la norme dans d'autres cultures. Pour ma part je rigole toujours quand des personnes qui mangent de la viande à chaque repas et picorent quelques légumes en boite, au risque d’accroître leur cholestérol ou leur problèmes cardiaques, me demandent si je n'ai pas peur que mon régime végétarien ne me provoque des "carences".

Ça l'est d'autant plus que c'est notre culture qui a fabriqué les bonbons, la mayonnaise, le chocolat, les chewing-gum, etc. Dans la nature, vous remarquerez que l'on ne trouve que des aliments sains, qui ne portent en eux-mêmes aucun risque de caries, de cholestérols ou de surpoids.

D'ailleurs, quand je dis « culture contre nature », comprenez aussi culture « contre-nature ». Parce que nos modes de vie sont basés sur les impératifs économiques de notre société de consommation, pas seulement sur nos besoins humains, et les mamans n'ont pas la possibilité dans cette société de mettre ces impératifs entre parenthèse pour s'adapter aux besoins de leurs enfants (même en restant à la maison) sans en payer les conséquences (stress, fatigue, énervement, solitude, découragement).  Nous en venons à vouloir que nos enfants s'adaptent à ce même rythme de vie le plus tôt possible, parce qu'il nous en coûte qu'ils ne le fassent pas. Mais un enfant n'est pas un adulte : il n'a pas les mêmes impératifs physiologiques, pas la même perception du monde et entre le moment où l'enfant sort du ventre de sa mère où il était nourri, réchauffé, bercé quand de besoin et son adaptation à la vie moderne, il y a un cheminement, qui prend plus que 3 mois.
Et la question est : ces adaptations que nous attendons d'eux, est-ce toujours un mieux pour eux ? Pas dans le sens où il faut à tout pris éviter de contrarier nos chérubins mais dans le sens : cela est-il un + dans leur vie ?

Or, je constate que nombre de parents ne font plus cette distinction. Si leur enfant s'endort tard ce n'est pas normal, s'il ne marche qu'à 18 mois ce n'est pas normal, si il fait pipi au lit à 7 ans ce n'est pas normal. Et ça devient une source de problème, de doute, d 'angoisse, et de conflit.


À qui appartient le problème ?

Voilà bien une question (tirée de mes lectures de Thomas Gordon) que l'on devrait se poser beaucoup plus souvent concernant nos enfants !

Pour quelle raison sommes nous si pressés que nos enfants fassent leur nuit, marchent, fassent pipi au WC, mangent proprement ? C'est parce que ça nous arrange - et il n'y a pas de mal à cela mais - le problème nous appartient donc à nous, et pas à eux (« pourquoi tu me fais ça ? ») C'est donc nous qui avons un problème à résoudre, pas eux.


Pourquoi est-ce important de faire ces distinctions ?

À mes yeux en tous cas :

- réduction de votre stress et du stress de l'enfant :

On s’énerve quand même beaucoup moins lorsque l'on a pas l’impression de buter sur quelque chose qui ne fonctionne pas et lorsque l'on ne voit pas une situation donnée sous un angle conflictuel. Relativiser ne règle pas tout mais on vit beaucoup mieux les soucis quand on a pas ce sentiment « qu'il fait tout pour vous nuire », quand on peut se dire « ça viendra », que non ce n'est pas « anormal ». Et forcément, vous renvoyez moins ce stress sur votre enfant, et toute la famille ne s'en porte que mieux.

- réduction de la dépréciation de chacun

Quand on se fixe une norme (que votre enfant a de grandes chances de ne pas suivre, au moins sur certains points), il y a forcément quelqu'un qui « fait mal » : soit c'est vous, soit c'est lui, parfois les deux. Ça ne fonctionne pas comme vous l'espériez, vous n'arrivez pas à « modeler » votre enfant comme vous le souhaiteriez ? En général, si ce n'est pas vous-même, ce sont les autres qui se chargent de vous déprécier. Votre mère n'a pas eu tant de problème pour faire manger ses 4 enfants alors pourquoi avec deux vous n'y arrivez pas ? Votre voisine a fait « comme ça » pour faire dormir son fils et ça fonctionnait très bien. Votre conjoint vous accuse d'être trop laxiste parce que faire pipi au lit à 5 ans c'est anormal. Vous avez le sentiment que chez les autres ça marche bien et pas chez vous, etc. Ou alors c'est votre enfant :  « Mais enfin à 18 mois tous les enfants marchent, pourquoi il reste à 4 pattes ? Que vont penser les gens ? Ce n'est pas normal ! Il est en retard !». Etc, etc, etc.

Et pourtant, le fait que certains enfants soient propres à l'âge d'un an veut-il dire que tous les enfants sont aptes à faire de même au même âge ? Quand on constate les différences qui existent entre les enfants d'un même âge en terme de motricité, de personnalité, de langage, on peut largement en déduire qu'il n'y a pas de règle. La vie n'est pas une course ni une compétition. L'important c'est que chacun trouve sa voie, à son rythme. Les « Allez, comme une grande », « Regarde ton copain il le fait lui », « Mais enfin tu veux me faire sortir de mes gonds ! » n'arrangerons rien. Votre enfant risque surtout de se sentir humilié et nul. Ce faisant vous faites un transfert de problème : c'était votre problème, ça devient le sien. Et dorénavant, le voilà obligé d'avancer avec sur ses épaules le poids du « je ne fais pas comme il faut ».

Quant à vous : est-ce mal faire que de faire confiance à votre enfant et de respecter ses besoins sans se soucier du qu'en dira-t-on ? Plutôt que de vous voir comme des parents laxistes et incompétents qui ne savent pas gérer leur(s) enfant(s), je vous propose de vous voir comme des parents courageux et généreux, qui font de leur mieux et qui restent à l'écoute de leur(s) enfant(s).

- la nature fait bien les choses, la contrecarrer, c'est souvent faire moins bien

Je prends un exemple flagrant : la marche. L'importance de laisser l'enfant apprendre seul, j'en ai déjà parlé dans mon article sur la motricité libre.

C'est d'ailleurs un des concepts qui m'a ouvert les yeux sur le fait que l'on se sente obligés d'intervenir avec des méthodes tous azimuts sur un tas de choses où l'enfant peut se débrouiller tout seul. Sans parler des dangers (avérés) du youpala pour la sécurité et la morphologie des enfants, je me demande maintenant : à quoi ça sert ?
Quel est l’intérêt de vouloir faire marcher un enfant avant qu'il ne le fasse lui-même ?

Avant je ne m'étais jamais posé cette question : les youpalas et les trotteurs ça existe, donc ça sert. Oui mais non en fait, ça sert surtout à faire vendre. Et aujourd'hui je trouve ça absurde. Quel est le bénéfice ? L'enfant marchera un jour (hors handicap particulier) alors pourquoi le mettre dans un engin censé stimuler son apprentissage ? Le résultat sera surtout de mauvais appuis, des problèmes de dos, un impact sur la construction osseuse de l'enfant, des chutes à répétition, et un enfant qui mesure bien moins le danger lors de ses explorations.
Et quand bien même l'enfant apprendrait à marcher plus vite avec le youpala (en considérant que ce soit bien grâce au youpala) : et alors ? Il aura une médaille, ça l'aidera à être plus heureux dans sa vie ? Non.

Et n'en déplaise à certains pédiatres : laisser un bébé manger un légume frais, encore gorgé de vitamines et plein de son vrai goût (enfin autant que peuvent l'être les légumes du 21ème siècle...sic) sera toujours plus sain que n'importe quelle purée, même faite maison.


Et le respect du parent dans tout ça ?

Je vous propose déjà, de considérer la chose avec recul :

Est-ce que ce que j’attends de lui/elle tient du domaine naturel ou culturel 
Les attentes que j'ai vis à vis de mon enfant sont-elles justes et justifiées ?
La façon de faire de mon enfant pose-t-elle réellement problème ou est-ce parce que je refuse de faire des concessions ou parce que ça sort de mon cadre de référence ?
Est-ce que ça me porte réellement préjudice ?

Déjà si vous faites ce tri, la liste de vos problèmes pourrait bien diminuer, et pas qu'un peu.
Je vous propose de retirer d'emblée :
- les questions de vitesse d'apprentissage : il est en avance / il est en retard = BULLSHIT !
- les jugements de l'extérieur concernant des méthodes qui font consensus au sein de votre famille. Je vous propose au contraire, de reprendre votre liberté en famille : liberté pour vos enfants, et liberté pour vous. Reprendre le droit de trouver vos propres solutions, même si elles ne conviennent pas aux médecins, aux voisins, à la famille. Rappelez-vous que nous vivons dans une société où si vous giflez votre enfant vous recevrez des hochements de tête entendus parce que c'est normal, mais si vous laissez votre enfant s'habiller comme il l'entend au risque qu'il sorte des codes vestimentaires en vigueur vous êtes une mère à la ramasse. Je dis ça, je dis rien...

Ensuite, quelles solutions sont facilement à votre portée ?
Par exemple : si vos enfants mangent plein de bonbons entre les repas et refusent de s'alimenter à table, évidemment on ne va pas le laisser faire sous prétexte de respecter leurs envies, mais vous pouvez supprimer les bonbons à la maison, ou bien au moins les rationner : une tablette de chocolat par mois, pas plus. Parfois la solution est sous notre nez, mais l'énervement et le sentiment d'échec nous laisse la tête dans le guidon et nous n'arrivons simplement pas à nous extraire de nos habitudes pour penser les choses avec discernement.

Vous restent alors les problèmes... Qui posent vraiment problème.

J'en vois principalement 2 :
- le conflit avec le conjoint
- les « pompeurs d'énergie » : fatigue, stress, etc.

A chacun de trouver ses solutions pour arriver à un consensus, je me garderai bien d'en donner ici, mais comme je l'ai dit plus haut : lorsque l'on sait que ça ne durera pas éternellement, que c'est un cheminement pour elle/lui, et pour vous, que personne dans cette famille n'est un incapable, en général on le vit mieux. Il n'est jamais question de s'oublier dans notre relation à nos enfants, mais de chercher des solutions en conscience change la donne. 
 
Je prendrais pour exemple un des éléments les plus sensibles en la matière : le sommeil. Nous ne sommes pas toutes logées à la même enseigne en la matière et j'affirme que pour moi : NON, il n'est pas toujours possible à l'aide de méthodes « infaillibles » de réguler le sommeil de nos enfants avant qu'ils ne soient prêts. Or, le manque de sommeil est un fléau. Vous aurez beau essayer d'être la meilleure mère du monde, sans possibilité de ressourcer vos batteries, la vie devient un enfer. Une amie dont je vous partage le témoignage un peu plus loin me rappelait que le manque de sommeil, on peut en mourir. C'est dire l'importance que ça a.
Là où s'opère le changement, quand on rencontre ce genre de situation, c'est de ne pas nourrir de rancœur à l'encontre de votre enfant ou de vous-mêmes, et de ne pas ajouter des ondes négatives dans une situation déjà bien difficile.

Idem si vous avez deux enfants en bas âge et que vous aimeriez bien que votre deux ans se passe de couches parce que vous avez l'impression qu'en votre 6 mois et lui, vous passez votre temps à ça.
Idem si votre enfant rechigne à manger ce que vous avez mis du temps à préparer pour lui, etc.

Quant au conjoint récalcitrant....... Faites lui lire cet article ! ^_^ Et si vous arrivez à le faire changer d'avis revenez me le dire, hein ?
Blague à part, prenez le temps d'en parler, d'entendre ses craintes, de les respecter, et d'y répondre. Demandez-lui de l'aide. Et je pense que vous avez le droit de lui rappeler toute l'énergie que vous donnez, que parfois vous sacrifiez à vos enfants et que vous avez besoin de son soutien. Que votre famille ne se portera que mieux si vous êtes l'un pour l'autre une source d'énergie positive et pas de rabaissement mutuel.

Quelques lectures

J'ai quand même retrouvé (de justesse avant de publier cet article) quelques échos à mes réflexions dans le livre de Catherine Dumonteil-Krémer « Une nouvelle autorité sans punition ni fessée ».

Et concernant l'alimentation, sans l'avoir lu moi-même, je me permets tout de même de recommander « Mon enfant ne mange pas » de Carlos Gonzalez, pour avoir lu cet auteur sur un autre ouvrage et pour les retours unanimement positifs que j'ai eu sur ce livre qui semble largement rejoindre mon opinion.
(de toutes façons, Carlos Gonzalez c'est un peu le grand partisan du « cool Raoul, écoutez vos enfants, et tout se passera bien ». ^_^).

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